Conçu et réalisé par Eric Maclewis
© ericdentinger.com
2008-2024
« Back To Breizh » (2000) - Alan Stivell
Album d’un niveau hétéroclite, parfois semblable à une douche écossaise… Lorsqu’Alan laisse parler ce qui a fait son succès, la harpe évidemment, la fusion rock & musique celtique et plus récemment avec l’électro, son inimitable phrasé breton, le succès est au rendez-vous y compris sur les trois instrumentaux qui jalonnent l’album. Mais dès que l’on s’éloigne de ces ingrédients fondateurs, on s’égare, en particulier avec le chant français (track 11) ou l'usage d'un accordéon (track 9).
Et pourquoi donc si peu d’instruments bretons (mis à part la harpe bien sûr) pour un back to Breizh?
Néanmoins voilà un opus qu’on écoutera toujours avec plaisir grâce à la remarquable qualité des mélodies proposées : cette qualité aurait mérité de meilleurs arrangements et production et aussi quelques titres dispensables en moins.
Ma sélection :
- Arvor-you (track 4) : superbe mélodie avec une harpe doublée et panoramiquée; le chant breton est très bien posé et le mix réussi. Le refrain part magnifiquement sur des percus solides; une belle flûte en réponse. Une première réussite dans cet opus, avec un beau groove final en prime,
- Skoit 'n treid! (track 6) : superbe riff à la harpe; mélodie accrocheuse; kan ha diskan efficace avec le chant breton d’Alan très réussi, rock sauce Stivell qui n’oublie pas le groove du roll…
- E kreiz hag endro (track 8) : instrumental sur fond d’an dro harpe/basse; riff mélodique à nouveau très inspiré; le chorus (reprise du refrain) réussi, en son clair de harpe sur son tapis de basse avec le bruit de la mer. Très beau titre, très maîtrisé,
- une actualisation de la fameuse (suite) Armoricaine en track 12 : version de E Pardon Spezet en français et sur de nouvelles paroles vouées à la défense de l’identité et de la langue bretonne; propos rock réussi malgré un mix perfectible. Belle conclusion sur un texte que des locuteurs français pourront cette fois s'approprier sans rougir de la traduction…
« Flower Of Scotland » (compilation live 1990) - The Corries
Le titre éponyme de la dernière piste de cet album est bien sûr largement décrit sur le site : Flower Of Scotland est d'abord sorti sur Live From Scotland - 1 (1974) après une première édition en 45 tours. Auréolé d'un incontestable succès en Écosse et, rugby aidant, dans d'autres pays, cet incontournable a servi aussi à faire vendre cette compilation qui marquait la fin du groupe suite au décès de Roy Williamson en 1990.
Formé en 1962 en trio - The Corrie Voices puis Corrie Folk Trio, le groupe se réduit ensuite à un duo composé de Roy Williamson et Ronnie Browne (qui ne faisaient pas partie du line-up original), adoptant vers 1966 leur nom définitif The Corries (du nom d'un élément caractéristique du paysage écossais).
Après un passage très réussi au Festival d’Edinburgh en 1962, le succès du groupe en Écosse ne s’est jamais démenti.
En parallèle avec de remarquables adaptations d’airs écossais traditionnels - ce qui les rend finalement assez proches du travail d'un Robert Burns - le duo s’est fait une spécialité dans le répertoire jacobite, illustrant la résistance écossaise. Leur composition originale la plus célèbre est donc ce Flower Of Scotland, largement connu des supporters de rugby depuis la victoire du XV au chardon sur l’équipe d’Angleterre lors du Tournoi des 5 nations de 1990. C’est à cette occasion que l’air s’est imposé en remplacement du God Save The Queen pour la séquence des hymnes nationaux...
Un temps arrêtée par le décès de Roy Williamson, la contribution de ce groupe à la transmission de la culture traditionnelle écossaise a été et demeure essentielle; nombre de leurs chansons illustrent en particulier mon site, apportant un éclairage intéressant sur l’interprétation des airs de cornemuse (répertoire de ceòl-beag).
Revenons sur ce disque. Nous avons affaire à un collage de titres qui logiquement ne s'affiche pas ouvertement comme un live; en effet, outre l'interprétation sans fantaisie, seules les dernières mesures de chaque piste sont gratifiées de quelques retours public. L'ambiance est plutôt celle d'une veillée-contes au coin du feu, qui va assez bien au duo.
Les ballades ou berceuses, magnifiquement construites et interprétées, constituent la majorité des titres, d'où une absence de relief accentuée par le mixage atone de l'album. On ne retrouve d'ailleurs pas dans ce collage l’énergie habituelle de leurs reprises d'airs traditionnels.
On peut toutefois comprendre à travers ces chansons - dont certaines à vocation humoristique comme le blues de la piste 12 - la volonté du groupe d’exister par lui-même grâce à la force de leurs compos (cf. Flower). Mais je regrette que les deux points forts du duo, savoir les voix harmonisées et les guitares mélodiques, soient insuffisamment exploités. Dommage aussi de n’avoir pas pérennisé l’usage du bodhrán - uniquement présent en piste 1 - qui aurait pu libérer la créativité d'une guitare.
Il reste quand même et ce n'est pas rien, en complément de notre Fleur de l'Écosse (sic), des textes très élaborés (de véritables histoires ou contes), la voix profonde et chaleureuse de Ronnie Browne et un lot de superbes mélodies.
Ma sélection :
- Stirling Brig (track 1) qui débute sur un bodhrán inattendu et installe une tension intéressante; la mélodie est magnifique tandis que les deux voix se répondent à merveille avec un beau savoir-faire en particulier dans les nombreux passages en scat; belle entrée en matière, rythmée et représentative,
- Shenendoah (track 10) avec R. Browne au chant lead qui n’a rien à envier à d’autres, loin s’en faut; on retrouve des accents étonnants de folk US (normal pour un titre évoquant la Virginie) entendus par exemple dans les Seeger’s sessions de Springsteen. Superbe mélodie avec deux voix harmonisées et des guitares qui proposent un accompagnement subtil,
- The Castle Of Dromore (track 11), berceuse qui s’annonce magnifique; Williamson mène les débats, remarquablement; le duo se reforme sur les refrains; un refrain énorme… le morceau est (enfin) gratifié d’un chorus (qui ne s’évade pas trop de la mélodie quand même) à l’harmonica; et sur la fin, le duo s’exprime sur le couplet avec une magnifique harmonisation,
- Flower Of Scotland évidemment (track 13) : là c’est le patrimoine… quasi-intouchable, le masterpiece de Williamson avec le duo qui s’exprime dès le premier refrain en mode harmonisé. On regrette des voix légèrement sous-mixées (la faute à des guitares trop en avant alors qu’elles n’ont pas grand chose à dire à part le soutien rythmique : une seule eût d'ailleurs suffi); dommage que le bodhrán ne soit pas revenu… reste une mélodie-monument, magique et intemporelle sur un texte renvoyant tous les envahisseurs à leurs chères études (…and sent him homeward tae think again…).
En bonus, (re)découvrons pour finir la première version de ce Flower Of Scotland et le non moins célèbre Bonnie Dundee :
Albums Musique Celtique Traditionnelle - 3