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1. PREAMBULE
Tout d'abord, quelques définitions :
La musique interprétée à la cornemuse écossaise des Highlands relève de deux catégories principales :
- ceòl-mór (gaél. - grande musique) qu'on pourrait décrire sommairement comme étant la musique “classique” de cornemuse : constituée d'un thème principal (ùrlar en gaélique, ground en anglais) assorti de multiples variations, le tout sur un tempo assez lent, elle est la plus ancienne forme connue de musique pour cornemuse écossaise.
En fait et jusqu'au début du XIXème siècle, ce genre musical également nommé pìobaireachd (gaél. pour désigner l'art de jouer de la cornemuse; anglicisé en pibroch ou encore pibroc'h en breton), est le seul à être interprété sur la cornemuse des Highlands (Hautes-Terres d'Ecosse).
La ceòl-mór est un genre qui peut dérouter ou déconcerter lors des premières écoutes, habitués que nous sommes à des mélodies d'accès facile et présentant une dynamique couplet/refrain limitée à quelques notes immuables, agencées pour marquer rapidement les esprits.
Le pibroch qui par ailleurs est une musique très encadrée, sans improvisation aucune, présente au contraire des développements complexes dont le caractère qu'on peut juger répétitif masque une réalité faite de multiples variations; il demande en tout cas une concentration accrue, en même temps - ce qui n'est paradoxal qu'en apparence - qu'un certain sens du lâcher-prise afin de se laisser transporter par ces airs qu'on peut sans risque qualifier de puissants mantras… celtiques.
Si ces remarques sont bien sûr de mise pour les pipers (joueurs de cornemuse), il convient d'y ajouter une haute technicité dans la pratique de l'instrument, qu'il s'agisse de la qualité de son accord (chanter et bourdons) ou de la maîtrise des ornements souvent complexes dont certains ont d'ailleurs été exportés dans les thèmes de la ceòl-beag…
- ceòl-beag (gaél. - petite musique) : musique légère ou pour la danse; cette musique n'était donc pas jouée à la cornemuse avant le XIXème mais sur d'autres instruments tels que le violon par exemple. Elle constitue désormais l'essentiel du répertoire des pipers actuels, laissant à une minorité d'entre-eux le soin de perpétuer la grande musique de pìobaireachd.
Un peu de gaélique écossais pour résumer :
pìob = cornemuse
pìob-mhór = grande cornemuse des Highlands (Great Highland Bagpipe)
pìobaireachd = art de jouer de la cornemuse (pibroch en anglais, pibroc’h en breton)
pìobaire = sonneur
ceòl = musique
ceòl-mór (pibroch) = grande musique
ceòl-beag / ceòl-aotrom = petite musique / musique légère…
Pour compléter cette introduction de la meilleure manière qui soit, reportez-vous aux videos de cette page.
2. ORIGINES & REPERTOIRE
Les plus anciennes sources semblent fixer le point de départ du pibroch interprété à la cornemuse au XVIème siècle.
Toutefois, il est attesté que ce genre musical était pratiqué avant sur d'autres instruments telle la harpe celtique : les correspondances dans la structure des airs en particulier ne laissent guère de doutes sur le sujet.
Mais revenons à la cornemuse pour souligner que tout débuta avec les désormais célèbres MacCrimmon, pipers héréditaires du clan MacLeod of Dunvegan (île de Skye), depuis le début du XVIème siècle.
Ces deux périodes correspondent à ce que l'on qualifie comme étant l’âge d’or pour la composition des pibrochs.
Le rôle d’un pibroch étant avant tout d'illustrer les évènements marquants du clan, le répertoire se déclinera en fonction de cette finalité.
Ainsi, parmi les plus de 250 œuvres anciennes répertoriées (*), trois catégories principales émergent :
a) Gatherings = rassemblements, incluant les Caismeachd (marches), Warnings, Blàr (airs de bataille)
b) Salutes = hommages (gaél.- fàilte) = cultes du chef, du héros
c) Laments = lamentations, complaintes (gaél. - cumha)
Bien sûr, pour chacune de ces catégories, la structure reste identique :
- Ùrlar - Ground = thème principal (ligne mélodique de base)
- Variations ou “motions” (gaél.- siubhal)
- Retour au thème
(*) on continue bien sûr de nos jours de composer de nouveaux pibrochs qui viennent donc s'ajouter au fonds ancien.
Le PIBROCH, musique des origines (CEÒL-MÓR)
3. COURTE HISTOIRE DU PIBROCH
- avant 1570 = aucun air de pibroch à la cornemuse ne nous est parvenu, même si on peut avancer que certains airs du répertoire peuvent avoir été influencés (voire transposés) par des thèmes de harpe celtique, joués donc avant cette date, parfois depuis plusieurs siècles.
- de 1570 à 1825 = époque MacCrimmon (âge d’or) : pourquoi ces deux dates?
1570 correspond à la naissance de Donald Mor MacCrimmon qui est le premier piper des MacLeod dont les compositions sont connues.
1825 correspond à l’année de décès de Donald Ruadh, le dernier piper héréditaire MacCrimmon avant que cette fonction ne soit réactivée au XXème siècle.
C’est dans cette longue période que furent composés et transmis les pibrochs disons les plus “classiques” du répertoire.
Le terme de cette seconde ère correspond aussi peu ou prou à une rupture avec la tradition orale ou chantée de la transmission des pibrochs, au profit d’une standardisation apportée par les partitions (même si plusieurs styles continuent de coexister dans la nouvelle tradition écrite).
- 1825 au XXIème siècle = après la transition fondamentale entre les traditions orale et écrite - transition sur laquelle nous reviendrons en particulier dans le chapitre consacré au Canntaireachd, le pibroch a continué de se transmettre et d’évoluer - parfois au détriment d’une certaine authenticité ou historicité dans l’interprétation mais c’est le lot de toutes les musiques en général.
Même si cette musique est par essence un art voué aux solistes de cornemuse, il arrive que le pibroch se frotte à d’autres instruments dans le cadre de projets musicaux souvent réussis.
Les nombreux concours de solistes de pìobaireachd organisés annuellement (en Ecosse, en Bretagne, aux Etats-Unis, Canada et… ailleurs…) témoignent en tout cas de la vivacité et de la force de cette musique.
Enfin, si ce genre est surtout le fait de sonneurs expérimentés eu égard à sa technicité, le pibroch intéresse également nombre de jeunes pipers, témoins d’une farouche volonté de préserver et transmettre les racines d’une culture pluriséculaire appelée à résister encore et toujours à toute forme de déclin civilisationnel.
Pipers de référence (Age d'or) & quelques-unes de leurs compositions :
- Donald Mor MacCrimmon (1570-1640) : A Flame of Wrath for Squinting Peter, Too long in this condition, Macleod's Salute, The Earl of Ross March, etc…
- son fils Patrick Mor MacCrimmon (1595-1670) : Lament for the Children, Lament for Mary Macleod, etc…
- le fils de ce dernier, Patrick Og MacCrimmon (1645-1730), fondateur du “Piping College” des MacCrimmon à Borreraig (Skye) : Lament for John Garve MacLeod of Raasay,The Pretty Dirk
- Iain Dall MacKay (1656-1754) ou “le piper aveugle de Gairloch” : The Unjust Incarceration, Lament for Patrick Og MacCrimmon, etc…
- Iain Dubh (1731-1822)
- Donald Ruadh (1743-1825)
“The Lament for MacLeod of Colbecks”
“The End Of The Great Bridge”
“Lament For The Children”
“A Flame Of Wrath”