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1. CANNTAIREACHD

“If you cannot sing it, you cannot play it”
(Si vous ne pouvez pas le chanter, vous ne pouvez pas le jouer…)

On rappellera tout d'abord que le Pibroch est une musique sans improvisation où tout est “écrit”, notes mélodiques et notes d'ornementations.
Cela étant, il ne s'agit pas de partitions, tout du moins à l'origine…
N'oublions pas que nous traitons ici de culture celtique qui se transmettait uniquement oralement, y compris donc s'agissant des airs de cornemuse. Le chant bien sûr tenait une place essentielle dans ce processus.

Les pipers ont donc mis au point une technique syllabique de mémorisation des airs et de leurs ornements, baptisée Canntaireachd, mot gaélique désignant à la base l'acte de chanter puis donc par extension une méthode de mémorisation des morceaux de pibroch.

Le Canntaireachd, de par son ancienneté, est probablement le plus proche de ce qui était joué lors de l’âge d’or (cf. page 1), qu'il s'agisse de l'air en lui-même ou encore de son expression.
Il s’agit ici de savoir chanter l’air en mémorisant ces différentes syllabes avant de passer sur l’instrument
Dans ce cadre, les voyelles sont utilisées pour les notes mélodiques alors que les consonnes servent pour les ornements.

Ecoutez cet exemple sur la video ci-dessous présentant l'air “The Prince's Salute”:

















Le Canntaireachd permet de reproduire et donc de conserver la musicalité de ces airs, musicalité qui a été peu ou prou mise à mal par l’effort de standardisation lié à la mise en partitions : les indications rythmiques portées sur une partition (armures, valeurs des notes, phrasés, etc…) peuvent se révéler assez éloignées de l’expression originale ou en tout cas ne permettent pas de la connaître.
Chaque syllabe chantée peut d'ailleurs être interprétée de plusieurs façons, ce qui est évidemment impossible avec les valeurs de notes présentes sur une partition.

Comment connaît-on le Canntaireachd?
Au XVIIIème siècle, signe de l'évolution des temps,  il est apparu nécessaire d'écrire le Canntaireachd sans doute pour mieux le conserver et le transmettre. Ce fut réellement le premier pas décisif et d'importance vers la rupture avec la tradition orale, les partitions et la standardisation qui les accompagne.
L'ouvrage de référence est le Campbell Canntaireachd (CC) ou Nether Lorn Canntaireachd paru en 1797 : composé à l'origine de trois volumes dont le troisième demeure encore introuvable aujourd'hui, il contient 169 airs.
Redécouvert en 1909, il a permis de renouer le lien avec la tradition orale en éclairant l’interprétation des partitions de Pibroch mais aussi en retrouvant plusieurs airs (70) qui avaient été “oubliés” au moment de la transcription en partitions…

Ce recueil a été réalisé par Colin Mór Campbell, piper en Argyll.
Parallèlement au travail de collectage effectué, Il s’inspire sans doute aussi d’un traité de Canntaireachd antérieur, celui des MacCrimmon, qui a vraisemblablement également été repris dans le système publié par Neil Macleod of Gesto.

2. LES PARTITIONS

Lors du 1er concours de cornemuse organisé en 1816, les juges ont trouvé le système Canntaireachd assez incompréhensible, ce qui a accéléré une nouvelle mutation débouchant sur les partitions de pibroch.
Ainsi, le tout premier recueil de partitions a été publié en 1838 : il est l'œuvre d'Angus MacKay, piper principal de la Reine Victoria entre 1843 et 1854.
Contenant près de deux cents airs, il s'agit de la plus grande collection de pibrochs rassemblée au XIXème siècle.
Il s'agit bien d'une étape décisive qui va bien entendu influencer les styles de jeu jusqu'à aujourd'hui.

La mise en partition a tenté de canaliser, de standardiser voire de simplifier l’expression alors même qu'au temps de MacKay il existait toujours différentes manières d’interpréter une pièce de pibroch, héritées de la tradition orale.
La mise à l’écrit, en voulant faciliter le travail de transmission voire d’apprentissage des airs, en négligeant aussi peu ou prou les apports du Canntaireachd, a coupé cette musique de ses racines.

Il convient quand même de modérer ces critiques légitimes en considérant que la mutation de nos sociétés abandonnant progressivement le mode de transmission orale de leurs mémoires - sans même parler de la numérisation de notre XXIème siècle - risquait tout bonnement de faire disparaître le genre musical de pibroch, ou taut au plus à le cantonner à quelques rares initiés…
Ici comme ailleurs, les partitions ont sans aucun doute permis de pérenniser ce style et même de lui assurer une diffusion planétaire : même s'il demeure une musique assez élitiste au moins de par sa technicité, il est nourri par un vivier de jeunes - et moins jeunes - musiciens qui assurent désormais sa survivance et la préservation des racines culturelles et historiques qui l'ont généré.

Deux remarques pour clore cette présentation générale :

- d'autres recueils de partitions ont bien sûr vu le jour depuis : outre qu'ils complètent le travail initial de MacKay, ils peuvent aussi transcrire d'autres modes ou techniques d'expression, ce qui correspond donc à un relatif retour de la tradition orale dans le fonds documentaire.
-  certains airs ont pu être mis sur partitions avant le 19ème siècle mais ces partitions n’étaient presque d'aucune utilité pour les pipers car il y manquait en particulier les ornements sophistiqués de la cornemuse.



“Seeking the song behind the score”
(chercher la chanson derrière la partition)

Le PIBROCH, musique des origines (CEÒL-MÓR)

DIVERS :

1. “Piping Today” (Août 2007) - Eric Freyssinet, spécialiste français de Canntaireachd
2. Article de J. Le Bouter in War Raok n°43 (2015)
3. Revue Musique Bretonne n°195 (2006) éditée par Dastum - interview P. Molard
4. Association Bretonne des Solistes de Cornemuse
5. PM Donald MacLeod

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BIBLIOGRAPHIE :

“General Principles of Pìobaireachd” par Andrew Wright

“Joseph MacDonald's Compleat Theory of the Scots Highland Bagpipe”
(Le 1er traité sur la cornemuse paru en 1760)

“Ceol Mor for the Great Highland Bagpipe” par Jimmy McIntosh

“Binneas is Boreraig” par Dr Roderick Ross

“Piobaireachd Fingerwork” par Jim Mc Gillivray

“Cabar Feidh Gu Brath”
composé par PM Donald Macleod

“The Unjust Incarceration”
composé par Iain Dall MacKay