Conçu et réalisé par Eric Maclewis
© ericdentinger.com
2008-2024

SOUNDCLOUD
YOUTUBE
BANDCAMP

« AMzer » (2015) - Alan Stivell

Nous quittons temporairement le genre traditionnel au sens strict avec un artiste habitué aux fusions en tous genres mais qui incarne le genre celtique pour avoir été et demeurer un acteur essentiel à son inscription au patrimoine musical.
AMzer est sorti à l’automne 2015 et a reçu de nombreux éloges, à commencer par la référence Télérama. Ne vous attendez pas ici à entendre bombardes et cornemuses qui ont fait une partie du succès d’Alan : seules les harpes règnent en maître conjointement aux séquences de programmations et autres machines, avec quand même quelques flûtes. Rien de plus normal bien sûr dans le parcours discographique de cet artiste qui a tant fait pour la renaissance et la modernité de la harpe celtique.
Allons de suite à l’essentiel : on aurait aimé que cet album soit uniquement instrumental, à l’instar de Renaissance de la Harpe Celtique paru en 1971, pour faire apprécier la qualité innovatrice de ces harpes qui ressemblent de plus en plus à des guitares électriques sans rien renier de leur apport original.
Le chant se montre plus fragile, à cause d'un emploi trop fréquent du français dont le swing se montre inférieur à celui de la langue bretonne et de l'emploi épisodique de l'anglais qui se révèle un vrai point faible (cf. track 6). Quelques incursions de japonais (sic) avec des haïkus (poèmes) subtilement mis en musique viennent toutefois pimenter les vocaux de cet album.
Le rythme fait cruellement défaut et c’est dommage car avec le matériel instrumental proposé, l’ensemble aurait pu être plus dynamique, un peu dans la veine de l’album Explore (2006).

Dédié aux saisons, on pourra objecter que l’hiver domine ce voyage dans le temps. Dommage, même si de l’aveu même de l’artiste le propos essentiel réside dans quelques notes apaisantes dans un monde brutal et de ce point de vue, cet opus est une réussite.
À noter que l’édition Deluxe comporte 3 pistes bonus dont deux sont des remixs meilleurs que les originaux.

Ma sélection :

- NEw' AMzer - Spring (track 1) : on entre doucement dans le vif du sujet avec une harpe apaisante et à la sonorité qui marie les contrastes : métallique et cristalline, brute et apaisante; la voix apparaît un peu fragile mais comme elle ne cherche pas à forcer, ses limites sont moins évidentes que sur d’autres opus; fraîcheur effectivement printanière; très belle intro où tout travaille en harmonie,

- Other Times - AmZERioù all (Haïku de printemps 1), track 2 : très belle intro faite de programmations légères accompagnées par la douce voix d’une artiste japonaise. L’électro leade le propos ici mais est joliment accompagnée par une harpe cristalline et quelques volutes vocaux de Stivell. Original et joliment mis en valeur,

- What Could I Do? (track 8) : riff grave de harpe, original, interpellant et réussi sur une carrure de blues (!); titre relativement mélodique et subtilement rythmé : une respiration dans cet album qui se veut apaisant mais qui finit par être stressant à force de ne rien installer de rythmé. Ici l’ensemble des mélanges prend bien, jusqu’à la flûte qui revient sur la fin avec un shuffle bien mené et au lointain des sons de guitare électrique, à la harpe bien sûr. Un modèle de transversalité musicale avec un très bon groove suintant le blues…

- Echu ar GoAÑv? - Till Spring? (track 12) : très belle sonorité de harpe, pleine et grave avec quelques notes cristallines en corolle ou en rupture. Les sons aigus prennent le lead ensuite pour un magnifique final tout en légèreté : une très belle conclusion.



PS : déjà plus de 50 ans de carrière pour cet artiste qui a inspiré beaucoup de musiciens celtiques, votre serviteur y compris… je vous invite à clore ce chapitre par une redécouverte du mythique Tri Martolod.

« A Celebration of Pipes in Europe » (1991) - Les Cornemuses d'Europe en Cornouaille

Place à un album d’un genre particulier avec ce double CD enregistré en Bretagne (Keltia Musique) et consacré aux cornemuses européennes. Une façon tout d’abord de rappeler que la cornemuse n’est pas l’apanage des seuls pays celtiques mais un instrument quasiment mondial dont la création et le développement ont répondu (et répondent encore) à des besoins communs à la majorité des sociétés - voir à ce sujet la page Cornemuse écossaise.
Impressionnante revue au travers de 30 pistes et de presque autant d’instruments différents qui témoignent du talent et des efforts effectués par luthiers et joueurs pour préserver et transmettre un héritage culturel plusieurs fois millénaire. Soulignons de suite que l’objet a été enregistré en live, en une seule prise à chaque fois, et pardonnons dans ce contexte les quelques couacs qui peuvent apparaître, essentiellement au niveau des prises de sons. L’album aurait toutefois mérité un peu plus de post-production au service des musiciens, de leurs instruments et de l’auditeur.
À quelques exceptions notables, les répertoires ou arrangements éventuels ne sont pas le cœur du propos ici : beaucoup de pistes sont avant tout de remarquables démonstrations mettant en avant les maîtrise et virtuosité du sonneur.
Mais le principal atout de cette double galette réside dans un formidable voyage de l’Écosse à la Grèce, de la Galice à l’Estonie, de la Bretagne à la Bulgarie, passant par l’Irlande, la France, la Belgique, l’Italie, l’Autriche, etc…

Certains de ces témoignages présentent quand même des passages à la justesse et à l’accord approximatifs, des sonorités au timbre qu'on pourra qualifier de désagréable, des pistes beaucoup trop longues avec des mélodies qui tournent en rond…
L’excellence technique ne prévaut que rarement en musique : un supplément d’âme avec des répertoires plus enjoués, des enchaînements d’airs mieux pensés aurait pu toucher un public plus large.

On ressort de cette longue écoute avec le sentiment d’avoir visité un musée d’archives sonores, parfois un peu vieillot malgré des incursions d’instruments dont on devine qu’ils passeront à la postérité; il y a ainsi quelques confirmations et de très bonnes surprises.
Je vous invite à écouter particulièrement une cornemuse de Belgique, le Moezelzak (disque 1 - piste 13), dotée d’un superbe bourdon très bien équilibré avec un chanter (tuyau mélodique) fort juste, la Gaita des Asturies et de Galice (disque 1 - piste 7; disque 2 - pistes 1 & 2), la veuze et le binioù bien sûr, amplement décrits sur mon site et une autre remarquable cornemuse française avec la Bourbonnaise (disque 2 - piste 11) dotée d’un très bel équilibre, d’une belle justesse y compris dans l’aigu et d’une surprenante capacité d’octaviation.

Bien sûr vous ne serez pas surpris que je termine par la cornemuse écossaise des Highlands qui me paraît évoluer nettement au-dessus du lot (*), par son équilibre, sa justesse, sa modernité - malgré une ancienneté tout aussi prononcée que ses collègues - et la maîtrise de ses joueurs. Le répertoire écossais est son champ de prédilection naturel : je ne suis toujours pas convaincu par le duo cornemuse écossaise & bombarde auquel je préfère le couple binioù-bombarde, plus brillant et typique.


(*) cf. la video en tête de chapitre avec une démonstration de Fred Morrison sur son instrument vedette.

Albums Musique Celtique Traditionnelle - 2

AMzer (2015) - ALAN STIVELL
Ma musique